AMERICAN COUP

Le coup d’État furtif, subversif et silencieux de l’État profond pour s’assurer que rien ne change

Par John W. Whitehead

«Vous avez une foi si fervente, passionnée et évangélique dans ce pays… pourquoi, au nom de Dieu, n’avez-vous aucune foi dans le système de gouvernement que vous êtes si déterminé à protéger ? Si vous voulez défendre les États-Unis d’Amérique, alors défendez-les avec les outils qu’ils vous fournissent : la Constitution. Si vous demandez un mandat général à partir des urnes, vous ne le volez pas après minuit quand le pays a le dos tourné.» ~ Sept jours en mai (1964)

Aucun doute à ce sujet : le coup d’État a réussi. Cette tentative du 6 janvier des soi-disant insurgés de renverser le résultat des élections n’était cependant pas le véritable coup d’État. Ceux qui ont répondu à l’appel du président Trump à marcher sur le Capitole n’étaient que les boucs-émissaires manipulés dans le but de créer la crise parfaite pour que l’État profond ― alias État policier, alias complexe militaro-industriel, alias État techno-affairiste alias État de surveillance ― intervienne et prenne le contrôle. Il n’a fallu que peu de temps pour que le changement soit opéré et que la capitale nationale soit placée sous un verrouillage militaire, que les forums de discussion en ligne soient restreints et que les individus aux points de vue subversif ou controversé soient débusqués, fassent l’objet d’enquêtes, soient humiliés et/ou rejetés.

Toutefois, ce nouvel ordre n’a pas vu le jour cette semaine, ni ce mois-ci, ni même cette année. En effet, le véritable coup d’État s’est produit lorsque notre gouvernement «du peuple, par le peuple, pour le peuple» a été renversé par un État militariste, techno-affairiste et axé sur le profit qui est de mèche avec un gouvernement «des riches, par l’élite, pour les entreprises».

Nous sommes embourbés dans ce marais depuis des décennies. Tous les présidents successifs, à commencer par Franklin D. Roosevelt, ont été carrément achetés et obligés de danser sur l’air de l’État profond. Entre Donald Trump, le candidat qui a juré d’assécher le marais de Washington DC, mais au lieu de mettre fin à la corruption, Trump a ouvert la voie aux lobbyistes, aux entreprises, au complexe militaro-industriel et à l’État profond pour se régaler de la carcasse de la république américaine moribonde. Joe Biden ne sera pas différent : son travail consiste à maintenir l’État profond au pouvoir. Distancez-vous du culte de la politique de la personnalité et vous constaterez que sous les différents costumes du pouvoir, ce sont tous les mêmes. Suivez l’argent, il montre toujours le chemin.

Comme Bertram Gross l’a noté dans Friendly Fascism : The New Face of Power in America [NdT Facisme amical, le nouveau visage du pouvoir en Amérique], «le mal porte maintenant un visage plus amical que jamais dans l’histoire américaine.» Écrivant en 1980, Gross prédit un avenir dans lequel il voyait :

… Un nouveau despotisme rampant lentement à travers l’Amérique. Des oligarques sans visage siègeant aux postes de commandement d’un complexe gouvernementalo-affairiste qui a lentement évolué sur plusieurs décennies. S’efforçant à élargir leurs propres pouvoirs et privilèges, ils sont prêts à faire subir aux autres les conséquences prévues ou non de leur cupidité institutionnelle ou personnelle. Pour les Américains, ces conséquences incluent l’inflation chronique, la récession récurrente, le chômage flagrant et caché, l’empoisonnement de l’air, de l’eau, du sol et des corps et, plus important encore, la subversion de notre Constitution. Plus largement, les conséquences incluent une intervention généralisée dans la politique internationale par le biais de manipulations économiques, d’actions secrètes ou d’invasions militaires…

Ce coup d’État furtif, rampant et silencieux que Gross a prophétisé est le même danger que l’écrivain Rod Serling avait prévu dans le thriller politique de 1964, Sept jours en mai : un avertissement clair de se méfier de la loi martiale présentée comme une préoccupation bien intentionné et primordiale pour la sécurité de la nation. Chose incroyable, près de 60 ans plus tard, on se retrouve otages d’un gouvernement dirigé davantage par la doctrine militaire et la cupidité des entreprises que par la primauté du droit établi dans la Constitution. En effet, prouvant une fois de plus que la réalité et la fiction ne sont pas différentes, l’actualité d’aujourd’hui aurait bien pu sortir directement de Sept jours en mai, ce qui amène les spectateurs sur un terrain étrangement familier.

Le principe est simple : quand la guerre froide est à son apogée, un président américain impopulaire signe un traité de désarmement nucléaire majeur avec l’Union soviétique. Estimant que le traité constitue une menace inacceptable pour la sécurité des États-Unis et certain de savoir ce qui est le mieux pour la nation, le général James Mattoon Scott (joué par Burt Lancaster), chef d’état-major interarmées et espoir présidentiel, prévoit une prise de contrôle militaire du gouvernement national. Lorsque l’assistant du général Scott, le colonel Casey (Kirk Douglas), découvre le coup d’État militaire prévu, il informe le président. Commence la course pour s’emparer du gouvernement américain tandis que la pendule égraine les heures jusqu’à ce que les comploteurs militaires envisagent de renverser le président.

Inutile de dire que sur grand écran, le coup d’État militaire est déjoué et la république sauvée en quelques heures… Dans le monde réel, l’intrigue s’épaissit et s’étale sur le dernier demi-siècle. Nous perdons nos libertés si progressivement depuis si longtemps ― cela nous est imposé au nom de la sécurité nationale et de la paix mondiale, maintenues au moyen de la loi martiale déguisée en loi et ordre, et appliquées par une armée permanente de policiers militarisés et une élite politique déterminée à maintenir ses pouvoirs à tout prix ― qu’il est difficile de déterminer exactement à quel moment tout a commencé à se détériorer, mais nous sommes depuis un certain temps en train de glisser rapidement sur cette trajectoire descendante.

La question n’est plus de savoir si le gouvernement américain sera la proie du complexe militaro-industriel ― c’est déjà chose faite ― mais la loi martiale déguisée en sécurité nationale n’est qu’une petite partie de la plus grande tromperie dont nous avons été dupés à croire qu’elle était pour notre propre bien. Comment amène-t-on une nation à accepter docilement un État policier ? Comment persuade-t-on une population d’accepter des détecteurs de métaux et des fouilles dans ses écoles, des fouilles de sacs dans ses gares, des chars et des armes militaires utilisés par les forces de police de ses petites villes, des caméras de surveillance dans ses feux de signalisation, des fouilles à nu de la police sur les voies publiques, des prélèvements de sang injustifiés aux points de contrôle de conduite en état d’ivresse, des scanners corporels dans ses aéroports et des agents du gouvernement surveillant ses communications ?

Essayez d’imposer un tel état de choses à la population et vous pourriez vous retrouver avec une rébellion sur les bras. Au lieu de quoi, vous la bombardez d’alertes de code couleur constantes, vous la terrorisez avec des fusillades et des alertes à la bombe dans les centres commerciaux, les écoles et les arènes sportives, vous la désensibilisez avec un régime régulier de violence policière et lui vendez l’ensemble comme s’il s’agissait de son plus grand intérêt.

L’occupation militaire actuelle de la capitale nationale par 25 000 soldats dans le cadre du soi-disant transfert «pacifique» du pouvoir d’une administration à l’autre est révélatrice. Ce n’est pas le langage d’un peuple libre ; c’est le langage de la force. Pourtant, on ne pourra pas dire qu’on n’avait pas été prévenus.

En 2008, un rapport de Army War College [NdT Université de l’Armée de Guerre] a révélé que «la violence civile généralisée aux États-Unis obligerait l’establishment de la défense à réorienter in extremis les priorités pour défendre l’ordre intérieur de base et la sécurité humaine». Le rapport de 44 pages avertissait que les causes potentielles de ces troubles civils pourraient inclure une autre attaque terroriste, «un effondrement économique imprévu, la perte d’un ordre politique et juridique fonctionnel, une résistance ou une insurrection nationale délibérée, des urgences de santé publique généralisées et des désastres catastrophes naturels et/ou créés par l’homme.»

En 2009, des rapports du Ministère de la sécurité intérieure (DHS) ont fait surface, qualifiant d’extrémistes (autrement dit, des terroristes) les militants d’extrême droite et d’extrême gauche ainsi que les vétérans de l’armée en appelant le gouvernement à soumettre ces personnes ciblées à une surveillance pré-crime totale. Près d’une décennie plus tard, après avoir dépensé des milliards pour lutter contre le terrorisme, le DHS a conclu que la plus grande menace n’était pas l’État Islamiste mais l’extrême droite intérieure.

Pendant ce temps, la police a été transformée en extension de l’armée tandis que la nation elle-même s’est transformée en champ de bataille. C’est ce à quoi ressemble un État sous loi martiale non déclarée dans lequel on peut être arrêté, tasé, se faire tirer dessus, être brutalisé, et dans certains cas tué, simplement pour ne pas avoir respecté l’ordre d’un agent du gouvernement ou ne pas s’être conformé assez rapidement. Cela ne s’est pas seulement produit dans les centres-villes à forte criminalité ; cela se produit dans tout le pays.

Et puis le gouvernement a constamment amassé un arsenal d’armes militaires à utiliser au niveau national et a équipé et entraîné ses «troupes» pour la guerre. Même les agences gouvernementales avec des fonctions largement administratives telles que la Food and Drug Administration [NdT organe de contrôle des produits pharmaceutiques et alimentaires], le ministère des Anciens Combattants et le Smithsonian ont été fournis en gilets pare-balles, casques et boucliers anti-émeute, lance-canons et armes à feu et munitions de la police. En fait, il y a maintenant au moins 120 000 agents fédéraux armés portant de telles armes qui ont le pouvoir d’arrêter les gens.

Pour compléter cette campagne axée sur le profit et visant à transformer les citoyens américains en combattants ennemis (et l’Amérique en champ de bataille), il y a un secteur technologique qui a collaboré avec le gouvernement pour créer un Big Brother omniscient, incontournable et qui voit tout. Ce ne sont pas seulement les drones, les centres de fusion, les lecteurs de plaques d’immatriculation, les appareils Stingray et la NSA [NdT Agence de sécurité nationale] dont on doit se soucier. On est également suivi par les boîtes noires de nos voitures, notre téléphone portable, les appareils intelligents dans notre maison, les cartes de fidélité des magasins, les comptes de réseaux sociaux, les cartes de crédit, les services de streaming tels que Netflix, Amazon et les comptes de lecteurs de livres électroniques.

Ainsi, voyez-vous, le 6 janvier et ses conséquences ont fourni au gouvernement et à ses technocrates l’excuse parfaite pour montrer tous les pouvoirs qu’ils ont accumulés avec tant d’assiduité au fil des décennies. Attention, par «gouvernement», je ne parle pas de la bureaucratie bipartite hautement partisane des républicains et des démocrates. Je parle du «gouvernement» avec un «G» majuscule, l’État profond enraciné qui n’est pas touché par les élections, non modifié par les mouvements sociaux, et qui s’est placé au-dessus de la loi. Je fais référence à la bureaucratie affairiste, militarisée et enracinée qui est pleinement opérationnelle et dotée de fonctionnaires non élus qui, en gros, dirigent le pays et prennent les décisions à Washington DC, peu importe qui siège à la Maison Blanche. C’est la face cachée d’un gouvernement qui n’a aucun respect pour la liberté de ses citoyens.

Préparez vous. Il y a quelque chose qui se concocte dans les tanières du pouvoir, bien au-delà des yeux du public, et cela n’augure rien de bon pour l’avenir de ce pays. Chaque fois qu’une nation entière est autant fascinée par les singeries de la classe politique dirigeante qu’elle est inconsciente de tout le reste, on ferait mieux de se méfier. Chaque fois qu’un gouvernement opère dans l’ombre, parle dans un langage de force et gouverne par décret, on ferait mieux de se méfier. Et chaque fois qu’un gouvernement est à ce point éloigné du peuple qu’il s’assure que ce dernier n’est jamais ni vu, ni entendu, ni écouté par ceux qui sont élus pour le représenter, on ferait mieux de se méfier.

Comme je le dis clairement dans mon livre Battlefield America: The War on the American People [NdT L’Amérique comme champ de bataille : la guerre contre le peuple américain], présentement nous avons atteint notre point le plus vulnérable. Toutes ces horribles graines que nous avons permis au gouvernement de semer sous couvert de sécurité nationale portent des fruits démoniaques. La plus grave menace qui pèse sur nous en tant que nation n’est pas l’extrémisme mais le despotisme exercé par une classe dirigeante dont la seule allégeance est au pouvoir et à l’argent.

WC: 1823

À propos de John W. Whitehead : L’avocat constitutionnel et auteur, John W. Whitehead, est le fondateur et président de l’Institut Rutherford. Son nouveau livre Battlefield America: The War on the American People est disponible sur www.amazon.com. Whitehead peut être contacté à [email protected].

Traduit de l’anglais par BibiCabaya (21 janvier 2021).

Source : The Rutherford Institute https://www.rutherford.org/publications_resources/john_whiteheads_commentary/the_deep_states_stealthy_subversive_silent_coup_to_ensure_nothing_changes , publié le 19 janvier 2021.

Partagé par Before It’s News https://beforeitsnews.com/opinion-conservative/2021/01/the-deep-states-stealthy-subversive-silent-coup-to-ensure-nothing-changes-3562552.html.

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